samedi 14 février 2009

Alain Farah est-il un Matamore ?

Comment parler de Matamore n°29, cet OVNI littéraire ? Comment résumer ? Quel est le sujet ? Pourquoi le lecteur est-il à ce point perdu ? Et l’écrivain, s’est-il lui-même perdu dans ses expérimentations littéraires ? Tentatives d’analyse autour des obsessions d’un écrivain, Alain Farah.

L’écriture comme travail essentiel
De quoi parle Matamore n°29 ? De la littérature et de ce qu'elle représente de capital pour un écrivain ? Le narrateur est un écrivain qui, a priori, dispose de plusieurs agents, des personnages récurrents dans les romans de l’écrivain, comme Joseph Mariage. Nous retrouvons Joseph Mariage à plusieurs reprises dans le livre, à différentes époques, différents lieux. Le seul point commun qu’il existe entre ses différents « Joseph Mariage », c’est le narrateur, l’écrivain. Comme Shakespeare était le père de ses personnages.

En cela, Joseph Mariage est un alter ego de l’écrivain, un dépositaire de ses obsessions qui le fait écrire. Souvent les épisodes de la vie du narrateur et de celles de ses personnages sont entremêlées. Le narrateur annonce les missions de son personnage : l’assassinat, pour la seconde fois, du Président Kennedy avec un patatore ou lance-patates, et sa lutte contre LE-SOMBRE. LE-SOMBRE est l’angoisse de l’écrivain, sa maladie contre laquelle il prend des pilules de toutes les couleurs. C’est cette angoisse qui le fait écrire. Cette même angoisse qui a fait écrire les Flaubert et les Joyce.

Quelle est l’importance de la littérature pour l’auteur / narrateur ? Il le dit, il fait tout cela pour oublier les victoires du LE-SOMBRE : « Calculer, analyser, angoisser. Je me suis troué les boyaux à coup de phrases absconses qui se sont avérées autant de coups d’épée dans l’eau. » (p.77), qui s’avèrent donc souvent inutiles, voilà peut-être la raison pour laquelle il continue d’écrire : « J’ai cherché partout à vivre des choses vraies, mais, incapable de les supporter, j’ai créé un monde dans le monde pour pouvoir me livrer à mes expériences. » (p.172). Voilà la raison de ses expériences d’écriture.

L’obsession de la création
D’autres obsessions de l’écrivain sont visibles dans cette histoire pour le moins décousue. L’histoire de la littérature est extrêmement présente, elle obsède le narrateur : des auteurs tels que Alain Robbe-Grillet, Shakespeare et James Joyce qui ont déjà donné une importance caractéristique à la création littéraire. Il parle de James Joyce et de son travail sur Ulysse : « Le lot d’une grande tragédie est d’imposer à ses protagonistes une filiation problématique (voir ‘ Les généalogies de Joseph Mariage’). » La littérature est essentielle, c’est la raison pour laquelle il répète ce qu’on l’habitude de dire les Anglais : « Après Dieu, c’est Shakespeare qui a le plus créé. »

Il y aussi de manière plus large d’autres artistes comme Jeffrey Vallance et son œuvre, Blinky the Friendly Hen, dedicated to the billions of hens sacrificed each year for our consumption [Blinky le poulet sympa, dédié aux milliards de poulets sacrifiés chaque année pour notre consommation], qui ajoute à l’absurdité du roman. Cet artiste privilégie la satire pour critiquer les attitudes de la société, comme on peut le constater avec cette performance. À travers cette mise en scène tragi-comique, dérangeante et kitsch, absurde et irrévérencieuse, Vallance nous interroge sur des questions graves en revisitant les procédures légales, les rituels religieux, le folklore et les fétichismes de la société moderne pour méditer sur "la froide réalité de toute mort". Peut-être est-ce une manière de dire qu’il est possible de faire en littérature quelque chose d’aussi absurde pour signifier l’absurdité de la vie ou de l’art ?

Le travail d’écriture
Il est aussi question de cinéma avec des références récurrentes à Match Point, comme l’archétype de l’histoire d’amour dramatique : la construction du livre tel un match de tennis nous dit à quel point il s’agit de lutter pour écrire, l’auteur le dit lui-même. Il s’agit d’engager tout son corps, à s’en rendre malade. Il y aussi l’obsession du chiffre 29 qui revient à plusieurs reprises. Comment l’expliquer ? Peut-être par le fait que Matamore n°29 a été écrit entre ses 25 et 29 ans, à un moment où il commence à se rendre compte « qu’il n’y a rien de plus naïf que de croire que nous avons la vie devant nous. » (p.192).
Mais le narrateur est souvent perdu, se demande qui il est, s’il est toujours celui qu’il est et ne sait pas toujours de quoi parle son texte (comme le lecteur peut-être). C’est une recherche constante comme le scientifique Galilée auquel il fait référence dans un rêve. Il sait que cette écriture relève d’une haute estime de lui-même, il se sent capable d’écrire « la grande épopée nationale » et cela, il le sait depuis qu’il est petit, en cela « le matamore, c’est [moi] ». La littérature est lié au langage, il en est question dans le chapitre 24. Chapitre dans lequel il questionne aussi la place de la littérature dans le monde. Il a cette intuition : cela confirme son intuition : « Arrive la littérature, décampe le monde. » (p.178).

Matamore n°29" Alain Farah, Le Quartanier, 29€

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