mercredi 12 janvier 2011

Octubre, de Diego Vega Vidal : voyage à Lima

Un film sorti le 29 décembre dernier. Pour découvrir une facette de la capitale péruvienne.

Une pute abandonne chez un ancien client le bébé qu'elle a eu de lui. Cette prostituée, et le récit de la relation qui explique le bébé, se maintiennent hors-champ cependant que Clémente se retrouve seul avec un panier hurlant difficile à concilier avec le travail. En tant que prêteur sur gages, il a pourtant l'habitude de se voir confier des objets de valeur, toutefois, on ne peut guère cacher une petite fille dans le bas d'un four, tout inopinée qu'elle est.

Octubre, qui ne se déroule pas dans les luxueux hôtels des acteurs hollywoodiens ou au sein de calmes roseraies monastiques, mais dans les sales quartiers de Lima sur fond de processions au Seigneur des Miracles, rappelle, comme dans Somewhere, ou dans Rosa Candida, le "danger" qui plane au-dessus de tout homme : devenir père d'une minute à l'autre, sans préavis. Pauvre d'eux.
Un récit triste sans sentimentalisme, drôle sans être comique, qui déjoue les pauvres et acharnés stratagèmes que nous, hommes et femmes, pauvres bougres, mettons en œuvre pour mieux (sur)vivre.



lundi 10 janvier 2011

Somewhere... nothing !... : ou Sofia Coppola laissée seule

Sofia Coppola s'affiche dans tous les magazines et le bruit de cette flopée d'interviews est largement à la hauteur du vide incommensurable du film dont il fait la promotion, Somewhere, Lion d'or à la Mostra de Venise. S'abstenir.

Dans une interview au Monde 2 (1/01/11), la réalisatrice américaine d'origine italienne qui fut parisienne s'offusque : « les gens privilégiés ont des sentiments, livrent des combats qui ne valent pas moins que ceux des gens qui ne jouissent pas de privilèges. » Soit.

Sofia Coppola tente de souligner ces sentiments par la préciosité de son économie de mots, beaucoup de plans longs et rapprochés ou quelques scènes symboliques dans lesquelles sont grossièrement enveloppés discours et conclusions sociologiques – telle cette question idiote d'une journaliste pour dire la bêtise du monde staro-médiatique- et qui, ironie de l'histoire, sont, pour être rapidement et facilement racontables, relayées en boucle par la presse. Interviews et résumés produisent alors une musique redondante, assourdissante et bêtifiante, à l'image des vies décrites dans le film...

Cette diffusion perpétuelle, hors du cadre du film, des mécanismes dénoncés sur l'écran est peut-être la seule réussite de la réalisatrice. Car dans les salles, les « combats » narrés laissent les spectateurs vides d'émotions, voire endormis. Coppola fille, est sûrement, comme on le lit, une « bonne élève » du cinéma, bourrant Somewhere de références et tournant vite, mais sa copie souffre justement des travers de ces écoliers qui, voulant trop bien faire, pourraient laisser à penser -au contraire de ce que peut être la réalité-, qu'il n'ont pas compris (au sens étymologique du mot : pris avec eux) les problèmes qu'ils soulignent. L'impression d'absence de compréhension empêcherait alors la compassion du spectateur. Sofia Coppola ne partage rien, elle est définitivement seule... Ce qu'elle n'a finalement fait que répéter -mais beaucoup mieux jusqu'ici – dans tous ses longs métrages.

Point de rencontre, point de gens, comme dans les vies vaines des stars dépeintes, c'est, dans Somewhere, la matière qui trône. « Sofia Coppola est laconique, mais les objets pour elle sont un moyen d'expression essentiel.» (Le Monde 2) Essentiel pour le placement de marques, très certainement... Ferrari, wii, ou la dernière version du jeu de Guitar Hero...

Où l'on aurait pu se contenter d'un titre de Souchon. « Putain ça penche / On voit le vide à travers les planches » !




Souchon Putain ça penche
envoyé par Polobouly. - Regardez plus de courts métrages.

dimanche 9 janvier 2011

Rosa candida : de la lente germination des belles choses

Un petit bijou islandais, largement salué par la critique de Reykjavík, à lire.

C'est folie que de vouloir faire pousser des fleurs dans les champs de lave islandais. Pourtant, alors que les parterres alentours ne sont qu'étendues stériles, la mère d'Arnljótur a élevé dans sa serre plants de tomates, roses, et autres plantes luxuriantes, etc. Arnljótur, qui a grandi, étudié et aimé à l'abri de cette zone humide, havre vert au milieu de beautés minérales -celles-là même qui furent le cimetière de sa mère adorée revenant de la cueillette des myrtilles-, décide de quitter l'île glacée pour travailler dans le Sud de l'Europe à la remise en état d'une roseraie ancestrale. Il n'embarque avec lui que quelques maigres boutons de roses à huit pétales, le pyjama démodé que lui ont offert son père octogénaire et son frère handicapé et la photo de sa fille, une enfant de sept mois qu'il a fait par inadvertance en un quart d'heure d'amour, simplement parce que les feuilles soignées en serre par sa mère se reflétaient en une jolie manière sur le doux ventre d'Anna. De ce bébé, il ne peut dire grand chose, si ce n'est pourquoi sa tête semble aussi stérile que les terres islandaises.

Rosa Candida est le récit d'un voyage initiatique accéléré au cours duquel, métaphoriquement et concrètement, son anti-héros, jeune homme à peine sorti de l'adolescence et Candide morderne, apprend à cultiver son jardin envers, et avec, les aléas de la vie. Par cette leçon de sagesse et de résilience, Audur Ava Ólafsdóttir, autrement historienne de l'art, démontre au lecteur, avec douceur et humour, comment des étendues les plus inadéquates peuvent naître, à force de travail et de patience, les plus beaux spécimens.

Rosa candida, Audur Ava Ólafsdóttir, sept. 2010, Ed. Zulma, 332 p. 20 euros.


« — Rosa gallica, rosa mundi, rosa centrifolia, rosa hybrida, rosa multiflora, rosa candida, énumère frère Matthias.
Tandis que je le parcours avec lui, « Le Merveilleux Jardin des Roses Célestes », tel qu’il est nommé dans les vieux livres, prend corps peu à peu dans mon esprit. Il va falloir commencer par arracher les mauvaises herbes et tailler les plantes — ce qui pourrait prendre deux semaines en travaillant dix heures par jour ; ensuite il faudra élaguer et planter à nouveau. Je choisis déjà un endroit abrité et ensoleillé pour la nouvelle espèce de rose que je vais ajouter. Elle ne sera peut-être pas très visible au début et ne fleurira pas tout de suite, mais ici sont justement réunies les conditions et la lumière pour qu’une nouvelle variété de rose inconnue se mette à pousser dans le terreau fertile. Il n’est pas possible de s’en remettre plus longtemps aux fioles de l’hôpital, on ne peut cultiver éternellement la vie dans du coton. »

 
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