samedi 28 juillet 2012

Lettre d'amour à Camille, après son concert aux Nuits de Fourvière


Camille, épouse-moi.

Pour ta voix. Que tu utilises comme un instrument, que tu contrôles parfaitement et dont tu fais ce que tu veux. Que tu malmènes parfois. Grave puis aigüe. Éraillée aussi.
Pour les moments où tu chantes a capella, moments de grâce et de poésie intenses.

Pour ta musique. Si particulière, si poussée dans les expériences que tu tentes, partagée entre instruments, beat-box et paroles. Entourée d’un violon, d’un piano au son brinquebalant et retors, d’une guitare, tu crées une musique d’une richesse incroyable, qui pousse nos oreilles à écouter plus loin.

Pour ton énergie. Tu es folle, tu t’amuses, tu danses, et tu partages cette énergie sans limite qui a l’air de guider ta musique. Même lorsque les morceaux sont calmes et posés, ta légèreté est perceptible, tu flottes avec tes notes, tu occupes l’espace et fais exister ton groupe.

Pour ta générosité. Tu donnes l’impression de ne faire de la musique que pour le live, pour vibrer avec tes musiciens et ton public, pour donner une dimension supplémentaire à tes morceaux, pour dévoiler quelques perles que tu ne sors qu’à cette occasion. Tu n’as pas besoin de dire grand-chose entre tes chansons, ta présence et ton ouverture suffisent à satisfaire le public.
Pour cette improvisation finale que tu partages avec nous, comme si nous étions chanteurs.

Pour ta mise en scène. Au-delà du fait de tester un nouveau concept par album, tu le pousses jusqu’à mettre en scène ton concert. Ce n’en est que plus touchant, cette idée vient comme un cadeau offert au public. Les ombres chinoises, les costumes, la lumière intimiste et la proximité avec tes musiciens nous emmènent dans une bulle artistique unique (d’autant plus dans le magnifique cadre du théâtre romain des Nuits de Fourvière).

Pour cet album d'amour, qui s'amuse du décalage entre le monde d'aujourd'hui et l'esprit hippie des années 70, entre ballades folkloriques, ritournelles a capella, chansons de ménestrels et R&B.

Et pour plein d’autres choses encore : ton humour, ta beauté, ta simplicité, ta fidélité à tes musiciens, la dédicace à ta maman, ta manière de partager ton intimité, les miaulements et les aboiements que tu nous fais hurler, ta créativité, ta douceur, nos frissons, nos larmes, nos rires…

Ilo Veyou.


Toutes les dates de tournée ici.

mardi 24 juillet 2012

Bonheur titre provisoire, ou le malheur théâtral


Ça commence par une question : c'est quoi le bonheur ? Chacun à leur tour, Pauline, Paul et Alain s’interrogent et le mettent à l'épreuve, inspirés par Robert Misrahi, Spinoza, Koltès, Claudel, Montaigne…
Comment dire le bonheur, comment l’éprouver ici et maintenant alors que le monde souffre ? Pourtant, si désespoir et indignation planent, l’idée du bonheur persiste : « la vocation de l’être humain, c’est d’être dans la joie et dans l’accomplissement » dit Robert Misrahi.
Et c’est grâce à l’idée du bonheur, comme une vocation profonde, que nous pouvons nous scandaliser et condamner la souffrance et la misère. Le bonheur, même absent, montre la voie. Alain, Pauline et Paul le vivent sur scène, dans une histoire émouvante et cocasse, mêlée de rebondissements et de suspens.

Effectivement, la question naïve qu’il est difficile de résoudre « qu’est ce que le bonheur ? » est posée. Les trois concepteurs de cette pièce, qui se revendique agitatrice d’idées, poétique et philosophique, tente de trouver des réponses à cette éternelle interrogation… 

Maladroit et distant, le spectacle reste en surface, les comédiens manquent de naturel et de générosité et le texte d'intérêt.

Paul et Pauline se pose la question du bonheur et de la manière de l’atteindre. Est-ce un sentiment individuel et personnel ou dépend-il des autres ? Peut-on se sentir heureux en se contentant des petits plaisirs de la vie ? Comme partager une pomme… ?
Finalement, on se rend compte subtilement que ce sujet touche Pauline (la comédienne se roule par terre en pleurant). En effet, elle a fait plusieurs tentatives de suicide foireuses, et ne croit pas que l’on puisse être heureux dans un monde qui va si mal.

Il n’y a pas d’histoire, pas de relation particulière entre les deux personnages, et les idées avancées restent au ras des pâquerettes.
Le spectacle se déroule donc sur un ton enfantin et sans intelligence pendant 1h30 (enfin au moins 1h puisque je n’ai pas pu tenir jusqu’à la fin…).

Le metteur en scène est également présent au plateau, puisqu’il peint une toile géante sur laquelle les comédiens évoluent. Il y écrit également quelques mots-clés, au cas où le spectateur ne comprenne pas de quoi il s’agit : « bonheur », « amour », « rire »…
Et le peu de musique présente dans le spectacle finit de l’enfoncer : France Gall, Jean Jacques Goldman et un peu de violon lorsqu’il nous faut noter que le moment est émouvant.

En bref, ce spectacle est non seulement vide, de sens, d’émotions et d’imagination, mais il est aussi prétentieux… Le texte, s’il l’on peut l’appeler ainsi, est inintéressant et manque cruellement de profondeur (peut-être parce qu’écrit collectivement par les trois protagonistes, qui ne sont pas auteurs) et les acteurs déclament un texte qui ne leur parle pas.

Ou comment prendre le public pour un imbécile.


Dans le cadre du Off d’Avignon. Jusqu’au 28 juillet à 16h30 au Théâtre des Halles.

mardi 17 juillet 2012

Pépito Matéo, ou comment conduire les mots "sans les mains et en danseuse"


"Tout est arrivé à cause de cette satanée histoire... A l'aube, j'ai dû quitter une fois pour toute l'enfance, sur mon chemin de Compostelle à moi... A l'heure qu'il est, je n'en suis toujours pas revenu... Faut dire qu'entre temps on m'a piqué mon vélo... Ce qui fait que je suis encore loin d'être arrivé, car comme le dit la sentence : "Celui qui, en partant de zéro, n'est arrivé à rien, n'a de merci à dire à personne !"
"Mais est-ce bien raisonnable de raconter tout ça à des oreilles indigènes ?"Pépito Matéo décide de nous raconter une histoire vraie, la première aventure de sa vie d'adulte, où toute ressemblance avec des personnes existantes est pure vraisemblance... (sauf pour le passage avec le dragon).

Pépito Matéo pédale dans un récit déjanté, une quête quasi-autobiographique, une histoire poético-burlesque. Comme s'il nous permettait de libérer nos rêves inexprimés, nos envies d'enfant, enfermé dans notre chambre, à jouer avec des amis imaginaires et à se raconter des histoires rocambolesques en y croyant fermement. "On dirait qu'on est sur un vélo, mais volant, et puis on vivrait dans un monde sans mamans ! Et moi, j'aurais un poney !" Et puis tout serait possible, parce que chacun veut y croire, accroché aux lèvres de Pépito. Qui pédale en danseuse mais conduit les mots avec précision.
Il faut battre son père tant qu'il est encore chaud.

Avec proximité et interaction, il s'adapte à son public, grands enfants que nous sommes, et arrive à sonder ce qui nous fait frémir. Et rire.

Il sait ici révéler la folie du monde avec légèreté et humour, sens et poésie. Il fait appel à notre enfance, plongée dans nos imaginaires ; notre adolescence, période où nous avons eu envie de quitter père et mère pour faire le tour du monde en scooter ; et notre vie d'adulte, manquant souvent d'espaces pour improviser. Mais il nous rappelle que "nous vivons tous dans un rêve éveillé".Quand on est sans les mains et en danseuse, ça passe plus vite.

Il nous tutoie, nous propose une histoire humaine tout en titillant nos rêves enfouis. Il malmène cet "art de la parole" dont on parle tant. Il bannit le traditionnel "Il était une fois" pour mieux nous plonger dans son univers et nous expliquer ce qu'exister veut dire.

Conteur pour adultes, raconteur à des oreilles indigènes et souvent incrédules, réciteur pour oublieurs de rêves, voila la dure mission que Pépito Matéo s'impose. Avec succès.

L'histoire n'a ni queue ni tête ni pieds, Pépito Matéo se jette sans les mains, et c'est nous qui dansons.

Au Off d'Avignon, du 8 au 27 juillet 2012 (relâche le 17 juillet), à 12h30 à la Manufacture.

samedi 7 juillet 2012

"Sibérie" d'Olivier Rolin

Parmi les textes que regroupe l’ouvrage Sibérie d’Olivier Rolin, trois étaient initialement destinés à une publication dans le Monde, jusqu’à ce qu’ils soient évincés de ses colonnes par l’actualité des attentats du 11 septembre 2001 : de l’Est à l’Ouest, quand l’Histoire chasse l’Histoire. Dans l’entretien qu’il nous a accordé pour parler de cet ouvrage publié aux éditions Inculte, il est en effet question d’histoire, mais aussi, de voyage et de littérature. Lire la suite de l'entretien sur la Cause littéraire
 
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