mardi 25 septembre 2012

Les enfants de Belle Ville, une tragédie téhéranaise


Une séparation, d’Asghar Farhadi avait conquis les esprits, raflé les prix (Oscar et César du meilleur film étranger). La société Memento Films en profite pour distribuer le deuxième long-métrage du réalisateur, Les Enfants de Belle Ville.  Comme Une séparation, ce film d’une grande intelligence dissèque les questions du pardon et de la culpabilité dans une société régulée par la loi coranique. 

A Téhéran, « Belle ville » est un centre de rétention pour mineurs. Lorsque l’on fête ses 18 ans, on y pleure : la majorité signifie le transfert vers la prison pour adultes, et une possible exécution. Un moyen d’échapper à la peine capitale : que le plaignant demande grâce pour l’accusé. Lorsque ce plaignant est un père éploré qui niche son désespoir dans un conservatisme rigide, le travail de persuasion paraît impossible. Mais Ala qui veut sauver la vie de son ami Akdar, a des appuis : sa ténacité, son admiration pour la superbe sœur de l’accusé, les sourates du Coran sur la miséricorde divine, et les intérêts de la femme du plaignant…

Comme dans Une Séparation, le film s’ouvre sur un constat très simple : il faut sauver Akdar… Le décor est planté rapidement : quartier aux allures de cour des miracles, femmes voilées sans aucune liberté, hommes butés. Voilà pour la surface… qu’Asghar Farhadi prend plaisir, touche à touche, tel un restaurateur de fresques anciennes, à décaper, pour faire apparaître la complexité d’une situation sociale : les femmes à genoux peuvent se révéler plus puissantes que les patriarches, les grands religieux doux, les pratiquants fidèles passibles de blasphèmes, les matons protecteurs et les petits gangsters des anges-gardiens. Autant d'enchevêtrements rend les choix cornéliens : écartelés entre intérêts propres et principes moraux, les personnages d’Asghar Farhadi ont la beauté des héros de tragédie grecque et leurs regards perçants. À voir absolument.

Les Enfants de Belle Ville, Asghar Farhadi, 2012. 

lundi 10 septembre 2012

Réanimation : Cécile Guilbert au chevet d'un bel endormi

Dans ses valises, la maladie d'un proche peut amener, autant que l'abattement, la possibilité de rompre les habitudes, l'opportunité d'une nouvelle vie, rafraîchie. Le sujet du roman de Cécile Guilbert, Réanimation, promettait un livre passionnant. Dans sa critique, le Monde des livres (auquel collabore Cécile Guilbert) le qualifie de "tonique". Le Parisien lui donnerait le prix Femina... On n'en dira pas tant, mais le roman, vite avalé, ouvre des portes et invite à casser la routine.

Blaise est un artiste quinquagénaire sans enfant et avec peu de soucis... Quand sa femme l'a rencontré, son aptitude à se plonger dans le présent se manifestait par l'élasticité de son corps. Vingt ans après, le couple a gardé son énergie créatrice -elle pour les livres, lui les arts plastiques- et love son amour insouciant dans une petite «cabane», la modestie du mot édulcorant le caractère bobo de leur vie parisienne – verrière, vélo, et projets de livre-photos...
Aussi lorsque le malheur surgit sous forme d'une cellulite cervicale (infection de la graisse du visage), Blaise maugrée au mot «hospitalisation» et ne prend pas la mesure de l'urgence. Le lendemain il n'est plus qu'un tas de chair que des machines assistent. Sa femme est assurée de ne pas voir l'ombre d'une conscience avant trois semaines. Dans son esprit privé de repos, le bal des angoisses habituelles aux parents de malades bat la mesure : que faire ? quand lui rendre visite ? En reviendra-t-il ?
Outre d'effarantes questions, le veuvage temporaire lui prodiguera la possibilité de s'extorquer de ses obligations sociales. Une telle liberté, l'inédit de la situation et la découverte d'un nouvel univers (le service réanimation de l’hôpital) développeront les facultés de son imagination... Prolixe, la narratrice lit, écrit.

Simplicité du roman, nécessaire leçon de résilience

Dans son journal intime (le roman est présenté comme tel), elle sublime son homme. De telles rêveries qui cristallisent l'amour sont parfois redondantes et ennuyeuses : pour le lecteur et pour elle, l'attente se fait longue... La grande simplicité du livre -phrases courtes, récit chronologique du quotidien- n'aide pas non plus à justifier un quelconque prix littéraire. Qu'importe, suivant l'exemple de l'héroïne du récit, le lecteur ne butinera que le meilleur : une leçon de résilience, le recours aux références mythiques de l'auteur et le rappel qu'en dehors des cerveaux génies, la pensée paresseuse est une belle endormie. Non fouettée par des nouveautés, elle retourne à sa léthargie... 

Réanimation, Cécile Guilbert, Grasset, août 2012, 269 p.

"Alors que l'imagination d'intrigues, d'aventures et de personnages m'a toujours fait défaut, qu'aucune histoire ne me vient jamais à l'esprit et qu'au fond, je n'ai jamais eu envie d'en écrire, toute une cohorte d'historiettes, de sujets de nouvelles, de petits romans se bousculent dans ma tête depuis quelques jours." p233

 
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