vendredi 23 janvier 2009

Des vents contraires, Olivier Adam


La “disparition”, tel pourrait être le thème d’étude de cette rentrée littéraire. Tandis que Philippe Djian raconte dans Impardonnables l’histoire d’un écrivain angoissé par la disparition de sa fille, Olivier Adam se plonge dans le corps d’un homme, écrivain lui aussi, père de famille, lui aussi, dont la femme a disparu voilà plus d’un an. Des vents contraires : un roman touchant qui vient de paraître aux éditions de l’Olivier.


Des Vents contraires commence par un déménagement : un an après la disparition de sa femme, afin de refaire surface, « de recoller les morceaux, de reprendre pied », Paul décide de quitter la banlieue parisienne pour revenir dans son pays natal. A Saint-Malo, il retrouve son frère, la vieille auto-école de ses parents, grâce à laquelle il pourra gagner un peu d’argent et surtout la Manche «immense flaque de lumière » qui le happe… La mer est comme un vivifiant pour ses enfants, Manon 4 ans et Clément 9 ans, comme un repère pour l’homme abandonné : « Je l’ai suivie autant que j’ai pu, je conduisais les yeux rivés sur le large, j’aurai voulu mordre dedans, m’en remplir à ras bord ou bien m’y dissoudre, me diluer faire corps avec elle, devenir liquide salé froid et doux comme rien d’autres. » ( p 151)


Pour faire rire Manon et sortir Clément de son indifférence, Paul est prêt à tout : jamais il ne hausse le ton, il engueule les maîtresses trop sèches et inonde les “petits” de cadeaux. Mais plus que tout autre chose, et encore une fois, c’est la mer son meilleur alibi, c’est elle qui justifie que, d’un coup de tête, comme un homme en manque, il vienne, en pleine journée chercher ses enfants à l’école, pour les emmener, l’espace d’un après midi, jouer sur le sable : « Je leur ai dit de grimper dans la voiture et on s’est mis en route, j’ai fait tous les détours possibles pour ne jamais lâcher la Manche, de temps en temps on s’arrêtait pour contempler le paysage, et partout c’était la même chose, la clarté du jour se déversait sur les remparts des vieux bateaux ,les corniches, les poches de sable, repeignait tout, ravivait les couleurs, reprécisait les lignes et les contours. »

Sans cesse, aux oscillations des sentiments et au récit des souvenirs, vient se mêler l’évocation du paysage environnant, comme si la douleur du père pouvait se fondre dans le paysage. Entre ces descriptions, l’intrigue est emmenée par ellipses, au fur et à mesure des conclusions de la police : Sarah-va-t-elle revenir ? On peut s’y attendre, le dernier opus d’Olivier Adam n’a rien d’une enquête policière, ni même d’un roman d’action ; le lecteur le sait dès la citation apposée en préambule de l’oeuvre, des mots signés Philippe Djian justement et chantés par S. Eicher : « On ne refait pas sa vie/On continue seulement/On dort moins bien la nuit… » La plume de l’auteur épouse les contours de l’âme de Paul, et ce faisant, narre avec tendresse « la continuité » des choses et des êtres… ou, plus exactement, dans cette continuité, les imperceptibles changements qui ne s’accordent guère avec un passé simple trop brusque, presque trop vulgaire. Sans jamais se départir de l’imparfait, Olivier Adam raconte élégamment les chuchotements dans les cuisines, les retrouvailles des sorties de classes et les dîners silencieux, les petites choses de la vie balayées ou résistantes aux vents…


Des vents contraires, Ed. De l’Olivier, 255 p, janvier 2009.


“Il a respiré profondément et m’a offert une parodie de sourire, le voir se forcer comme ça m’a anéanti, il ressemblait tellement à sa mère : soucieux de ne peser en rien, inquiet de l’autre et oublieux de lui-même, éludant sa propre douleur pour ne pas m’alarmer.” (p 16)


Marie Barral
Article paru dans La boite à sorties le 20 janvier 2009

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