lundi 7 novembre 2011

Polisse : portraits d'agents

"Sarkozy m'a tuer", "Polisse"... dans les titres, la mode est à la faute d'orthographe. Une créativité dans la langue qui peut avoir comme victimes les futurs lecteurs et écrivaillons. C'est d'eux, des enfants-victimes, que parle "Polisse", chronique (fictive) de Maïwenn sur la brigade des mineurs de Paris. Histoires de mœurs et du service public qui les traite.

Arrogant : «ce n'est pas un viol, ma fille était consentante» ; faussement naïf : «je ne suis pas polygame, mais bigame » ; déchiré : « j'aime cet enfant, je ne voulais pas lui faire du mal » ; patriarche : «je suis son père, c'est moi qui décide [de l'envoyer au pays se marier avec son cousin]»... protectrice : « prenez mon enfant, je ne veux pas qu'il devienne comme moi, sans toit»... pudique : « il.... ».

Voilà pour les majeurs. Et, du côté des mineurs : attaché : «mais il est gentil, je ne veux pas qu'il lui arrive de mal», rationnelle : « j'ai sucé car je voulais récupérer son portable […] c'était un beau portable », sûre d'elle-même : «attendez aujourd'hui, on est pas à l'époque de Louis XIV, la fellation c'est normal»...

En face de cette myriade de témoins, victimes et agresseurs présumés, des agents de police qui, à longueur de journée, entre opérations coups de poings et séances de tir, collectionnent des témoignages de familles cassées pour tenter de retranscrire « la vérité »...

Comment réagit-on quand, sans être psy, psychologue ou assistante sociale, on arrache un enfant à sa mère ? Ou lorsque l'on doit obliger une violée à nommer son avorton ? Comment, les oreilles farcies d'histoires de pédophiles, laisse-t-on sa fille le matin ? Que raconte-on à sa femme au dîner ? Plus que les affaires présentées à un rythme énergique -maltraitance, mamans secouant leurs bébés, attouchements sur descendants, fugues, détresses sociales-, ce sont les réactions de l'équipe de police qui intéressent la photographe-réalisatrice : elle pointe son objectif sur les brigadiers décompressant en boîte, déversant leur rage les uns sur les autres ou pleurer, impuissants...

Le directeur de la PJ parisienne, Christian Flaesch, le dit dans le Figaro, Polisse est crédible et fidèle au quotidien des policiers. Heureux avis, heureux aveu pour un film où la guerre entre services est bien esquissée (la brigade des mineurs se situe dans le bas de la hiérarchie) de même que la compromission des chefs et la difficulté des brigadiers – devant tant d'histoires sordides- à considérer toutes les victimes sérieusement (et patiemment). Mais c'est justement cela qui participe à portraiturer des policiers touchants, et emplis de leur mission : protéger des enfants.

On regrettera toutefois que cette trop grande attention portée aux policiers éclipse parfois la question des victimes et amoindrisse le propos, quitte à le rendre un peu niais. Ainsi cet amour entre Melissa (Maïwenn) et Denis (Joeystarr), sans intérêt aucun (et d'ailleurs trop soudainement amené) si ce n'est celui de placer au premier plan la réalisatrice et son fiancé d'alors (les deux se sont séparés après le film). D'aucuns prétendront que le spectateur avait besoin, entre tant d'atrocités, de pauses. Non, ces bouffées d'air sont inutiles puisque, considérées du point de vue du policier nerveux, fatigué, surbooké, ou renvoyé à sa propre intimité, les dépositions peuvent tourner à la tragi-comédie. Et c'est ce rire, à la fois amoral et salvateur (puisqu'il soulage le travailleur social tout en se moquant de la victime ou de l'agresseur présumé) qui fait la force de Maïwenn. Il se suffisait donc à lui-même.

Polisse, une fiction de Maïwenn, avec Karin Viard, Marina Foïs, Frédéric Pierrot, Nicolas Duvauchelle, Naidra Ayadi, 2h07. Sortie en salle : le 19 octobre 2011.



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