mardi 15 novembre 2011

« Le cahier d’Aziz » de Chowra Makaremi

Sélection du Grand prix des lectrices de ELLE 2012

Chowra Makaremi est une jeune anthropologue d'orugine iranienne qui a grandi en France. Il y a quelques années de cela, elle découvre les mémoires que son grand-père avait rédigées pour elle et son frère. Le cachier retrace la période suivant la révolution iranienne de 1979, la naissance de la République islamique et toutes les méthodes de terreur dont elle usa pour imposer son pouvoir face à la liberté à laquelle aspirait alors la société iranienne.

Le parti des mojahedins du peuple avait été particulièrement actif dans la révolution et le renversement de la dictature du Shah. Les membres de ce mouvement, parmi lesquels les deux filles d’Aziz Zarei, furent ensuite les ennemis déclarés de la dictature de Khomeyni, on les soupçonne désormais de haute trahison envers le pouvoir et la religion. Méthodiquement éliminées dès 1981, les victimes se comptent par dizaines de milliers, longuement détenues et torturées avant les exécutions de masse ou vivant encore dans les geôles iraniennes.

Au-delà de ces chiffres qui ne font pas palper la réalité, « Le cahier d’Aziz » est une vision intérieure : le père des deux jeunes femmes vit alors dans le souci - que ce mot est faible - permanent de la souffrance et de la mort de ses enfants. Et nous ne pouvons que constater, un peu effarés, l’immense piété de tous : les jeunes femmes endurent la douleur physique et morale sans qu’un instant leur intégrité puisse être atteinte ; la famille, leur père en particulier, vit au gré de décisions d’une justice qui ne mérite plus son nom. Peut-être, l’invivable douleur de la souffrance de ses propres enfants rend-elle nécessaire, pour échapper à la folie, la distance. Alors, la religion a cet indéfectible pouvoir de donner du sens à ce qui, pour l’humain, n’en a définitivement pas. Car c’est à peine si l’on croit aux tortures racontées tant la cruauté et la violence infligées aux deux jeunes femmes, pieuses au plus haut point, sont inimaginables.

En plus des mémoires du grand-père, les cahiers d’Aziz reprennent les lettres des deux jeunes femmes à leur famille. C’est là tout le matériau que la jeune anthropologue, Chowra Makaremi, nous donne, pour mettre des visages et des parcours individuels sur un événement historique. Cela semble déjà loin et pourtant, quelques dizaines d’années plus tard, les responsables de cette terreur sont encore au pouvoir en Iran.

« Le cahier d’Aziz », Chowra Makaremi, Gallimard, collection Témoins.

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