mardi 24 janvier 2012

L'Exercice de l'Etat... : décadent pouvoir

Sorti le 26 octobre dernier, le film de Pierre Schoeller était présenté à l'occasion du festival Telerama.

Il était un ministre des transports, Bertrand Saint-Jean qui se fit réveiller une nuit par un grave accident de car dans les Ardennes. Le ministre se rend immédiatement sur place pour se recueillir devant les cadavres et rappeler le rôle de l'État protecteur. Quelques heures plus tard, il est sur le plateau d'Europe 1, à assurer de la non privatisation des gares. Sur RTL, son collègue du budget affirme le contraire... La cacophonie ne s'arrêtera plus...

Portrait du pouvoir, L'Exercice de l'État rajouterait aux ingrédients du Prince de Machiavel notre temps moderne, trop pressé, que les politiques, en bons renards, doivent sans cesse défier, alors que leur puissance d'action est de plus en plus limitée.

Qu'est ce que tu penses de tout ça ?, demande en substance le ministre des transports au chômeur longue durée qu'il a recruté en stage -belle opération de com'...!-. Est ce que les dorures des bureaux, la manière expéditive avec laquelle on traite les hommes et l'on signe les décrets, les trop longues journées terminées dans l'alcool, l'aisance et le beau-parler des héritiers, l'arrogance des politiques, les yeux qu'ils ont collés aux sondages, cette façon de brasser, en pensant à sa popularité, des sujets qui changent les vies des petites gens et de se foutre de l'avis de leur propre directeur de cabinet... est-ce que tout cela te choque ? Te donne envie, te révolte, te révulse ou te laisse sceptique ?

Les signes sans le pouvoir

Sous ses questions, point la lucidité de Saint-Jean vis à vis des privilèges et de la vitesse de sa caste, une distance qui le replonge, le temps d'une soirée, dans le peuple... avant qu'il ne ré enfile son costard quelques heures plus tard, habit d'un homme dont les journées sont réglées par le message d'un petit écran : sms, annonces de nomination, fil des dépêches, sondages d'opinion, etc. Autant de nouvelles éclipsées l'une par l'autre, invariablement importantes et urgentes, car les réponses sont attendues tout de suite, par les grévistes en colère, les médias ou les collègues du gouvernement. Et ce alors même que dans un contexte de déficit budgétaire, la puissance d'action de l'État s'est réduite à néant : reste seulement au ministre des transports ses gares, et si celui du travail fait une loi, c'est pour gagner la tranquillité du gouvernement.

« Si tu ne supportes pas la chaleur, sors de la cuisine » : le mot de Winston Churchill est lâché par Saint-Jean. Cette cuisine, lui y reste grâce à son entourage compétent (tant dans l'épluchage des dossiers que pour le choix d'un cadeau pour sa femme !), à force de débrouille, de cachets, de tabac, et surtout grâce à sa capacité à regarder en avant. Ce ministre est humain pourtant, sympathique et attachant mais le sentiment de toute-puissance qui découle des exercices politiques ne lui permet pas, au sein de cette cuisine infernale, de détacher ses yeux des flammes de l'âtre - ravivées par l'accélération du temps -, dans lesquelles lui et ses collègues brûlent, pour les poser sur les cendres. Vaine lutte, répond un des personnages en passe de pantoufler, dans les palais ministériels ne restent plus que la dorure des moulures et des conseillers en com', ultime signe pour prouver que la puissance s'en est allée...

Alors, au ministre du transports, - portefeuille symbolisant la rapidité- que peut répondre le chômeur longue durée... cet homme qui vit dans une caravane et mettra des années à finir sa maison en béton ? Juste jusque dans le machiavélisme qu'il met en scène, L'Exercice de l'État est servi par des acteurs de choix, Olivier Gourmet et Michel Blanc.



1 commentaire:

  1. Très bon article, original de par son angle.
    De mon côté, il me semble que la "question" posée au chauffeur-stagiaire est biaisée: il ne peut pas répondre - même si le Ministre lui fait le coup du "on est entre nous, entre copains, hors du boulot, ça ne compte pas...". En fait, il risque toujours d'y avoir des conséquences, et il peut toujours craindre de se retrouver "barré" alors que ce "stage" est censé lui ré-ouvrir la porte de l'emploi...
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
    PS: accessoirement, il me sembmle avoir déjà vu des contorsionnistes qui arrivaient à poser leurs pieds sur la tête. Après, si la tête est au sol, sont-ils debouts dessus? C'est un autre débat...

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