dimanche 24 octobre 2010

L'or des Incas, des Chimus, des Mochicas, de Sican, etc...

L'Eldorado que cherchèrent les explorateurs européens existait bel et bien, il se nichait dans les jardins du temple de Coricancha (temple du Soleil) à Cuzco : les massifs y étaient garnis de morceaux d'or fin, des bassins et des vases étaient façonnés de ce même métal et incrustés d'émeraude. La Pinacothèque (Paris 8e) expose quelques pépites du trésor des Incas et des civilisations qui les précédèrent. Une collection riche mais mal organisée...

Le Candide de Voltaire découvre au chapitre XVIII de son conte "l'Eldorado" : reste du pays des Incas que leurs descendants ont préservé des Espagnols. Le Macchu Picchu n'était pas encore connu des Européens au début du XVIIIe siècle mais Voltaire décrit son Eldorado comme « inaccessible », « entouré de hautes montagnes » et de dangereux rapides. Le chanceux Candide réussit pourtant à y entrer et à en sortir chargé de « cailloux et de boue» [comprendre : d'or]. Malheureusement, il perdit bien vite ses pépites dans les précipices...
Les colons espagnols ne surent guère mieux profiter du butin américain : les économistes s'accordent à dire que les richesses rapportées du Nouveau Monde engluèrent l'économie de la péninsule ibérique. Dormant sur ses lingots, la première puissance européenne décrépit dès le XVIIe siècle.

L'exposition de la Pinacothèque rassemble plus de deux cent cinquante pièces provenant des civilisations incas, mais aussi chimus, mochicas, sican, huari, soit des peuples qui pendant deux mille ans peuplèrent le Pérou actuel, l'Equateur, la Bolivie, le Nord du Chili et de l'Argentine. Les Incas n'étaient guère plus doués en tissage, en orfèvrerie ou en poterie que les autres. Simplement, ils furent les derniers à conquérir et à unifier le territoire avant l'arrivée des Espagnols. En bons derniers, ils récupèrent les inventions et les talents de leurs aînées pour construire une civilisation dorée, luisante et aussi fugitive qu'une météorite (1400-1533). Les chroniques des conquistadores la rendirent célèbre.

L'or comme alpha et oméga de la légende inca
Afin de mettre en lumière ce « syncrétisme », la Pinacothèque utilise l'or comme accroche. Dans un univers inca divisé en trois -le ciel, le monde des hommes et celui des défunts-, le précieux métal servait d'intermédiaire : sueur du soleil, donc du dieu le plus puissant, il lui était rendu par des cérémonies et dans les temples ; il protégeait les pectoraux des vivants comme ceux des morts (cf. la tombe du Seigneur de Sipan, tombe moche découverte en 1987 qui recelait une quantité considérable de métaux précieux). Sous forme de bijoux, l'or symbolisait la vassalité des notables vis à vis de l'Inca : ce dernier les récompensait par des parures qui ne pouvaient être portées qu'avec son autorisation.
En capturant les orfèvres chimus (« civilisation » dont l'apogée précéda celle des Incas) pour leur faire travailler le précieux métal à Cuzco, les Incas volaient, avec leurs doigts, leur or.
Francisco Pizarro conquit le Pérou pour son or en ayant au préalable pris soin d'amplifier la rumeur selon laquelle un eldorado existait dans la région. Ainsi, il put se faire financer son expédition par les rois Espagnols.
Pizarro demanda à Atahualpa, l'empereur Inca qu'il captura, tout son or en échange de sa vie. Le souverain fit venir sa fortune des quatre coins du pays. Il fut exécuté afin que la totalité de la rançon ne fut versée. Des marins qui ramenaient une partie du trésor par le lac Titicaca auraient, furieux de cette trahison, fait couler leur cargaison. De là, serait née la légende d'un trésor inca perdu.


Force et failles de l'exposition
Une partie de ce trésor brille devant les yeux des visiteurs parisiens. Mais comme le traître Pizarro, les avaricieux espagnols, peut-être comme les Incas face à Chanchan (la grandiose capitale chimu dont les ruines se visitent aujourd'hui depuis Trujillo [au Pérou]), en tous cas comme Candide, le commissaire et son équipe ont perdu beaucoup de pépites en route : dorée, l'exposition est mal présentée, presque brouillonne. La première partie redore le blason des civilisations pré-incas, toutefois les cartes synthétiques qui auraient pu accompagner des textes bien denses se trouvent un étage plus bas, à côté d'un paragraphe sur les bijoux... Certaines vitrines mériteraient des explications qui ne manquent pas à l'historien puisque le visiteur les trouve dans les guides de l'exposition.

Ainsi ce pense-bête présenté en première salle fait l'effet d'un grand collier de cordes nouées. Il s'agit en fait d'un quipu ("noeud" en quechua), boulier permettant de véhiculer d'un bout à l'autre d'un Empire sans écriture des informations militaires, statistiques ou administratives. Ce pense-bête n'a rien d'Inca, lit-on dans le hors série publié par le Figaro : des quipus datant de 2000 av JC ont été retrouvés dans la citadelle de Caral (N. de Lima). Là encore, le génie des Incas fut de récupérer et centraliser les outils de plusieurs civilisations. Et ce fut cette optimisation qui se révéla être leur véritable or. Quant à l'exposition, plus brillante qu'enrichissante, elle n'est qu'une porte d'entrée dans le temple.


Jusqu'au 6 février 2011 à la Pinacothèque (métro Madeleine).
Tous les jours de 10h30 à 18h. Mercredi jusqu'à 21h.
Tarifs : 8 euros pour les moins de 25 ans et les étudiants / 10 euros

A lire : le hors-série du Figaro, L'or des Incas, 7,90 euros

Les Incas, de César Itier, Guides Belles Lettres des civilisations, 214 p, 17 euros




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