dimanche 15 mars 2009

Le Soulier de satin de Paul Claudel à l’Odéon, heureux semi-marathon

Hier matin, dans les rues de Paris, des coureurs humides de sueur et de pluie s’engouffraient dans des stations de métro, sportifs dépités qui abandonnaient le semi-marathon. Dans l’après-midi, certaines stations accueillaient d’autres fugitifs, moins trempés (quoique) et plus chics. Petits joueurs les premiers s’étaient contentés de l’Est parisien tandis que les seconds, audacieux, avaient le monde à parcourir. Ni plus ni moins. Et en 11 heures svp… Une course assez rapide finalement, surtout lorsque l’on sait que l’évènement était signé Paul Claudel…



« Je choisis tout ! » aurait pu dire l’écrivain devant la page encore blanche du Soulier de Satin en plagiant une muse qu’il n’aurait pas reniée, Thérèse de Lisieux. « Tous» les lieux, de l’Amérique au Japon en passant par le Maroc ; tous les styles : le mélodrame, le burlesque, le romantique, la chanson de geste ; toutes les sources d’inspirations : la religion bien sûr, l’Histoire aussi (celle de l’Espagne de la fin du XVI et du début du XVIIe, et même le reste) et sa propre vie de diplomate et d’amant contrarié…


Dans Le Soulier de Satin, point de Claudel bien sûr, mais un Don Rodrigue (Philippe Girard impressionnant marathonien), explorateur espagnol qui parcourt le monde entier, avec, sur sa rétine, l’image de la femme aimée toujours collée. Don Rodrigue désirait l’âme et le corps de Dona Prouhèze (géniale Jeanne Balibar ). La dame était mariée ; le preux chevalier n’eût rien ou presque. Dès lors, son âme erra comme celle de Tristan, flottante et légère -car trop vide-, au-dessus des flots : pour étancher sa soif, Don Rodrigue se noya dans les conquêtes…

Le Soulier de Satin un roman courtois médiéval avec sa prude dame, ses serviteurs bouffons et ses troubadours qui commentent l’action mais changés pour l’occasion en anges-gardiens, Saint Jacques ou astres célèstes ? Pourquoi pas ? Ayant entendu le mot de Paul Claudel, Olivier Py a voulu retirer la pièce de sa satinée catégorie « drame mystique » et démontrer que le Soulier était « aussi » humoristique. Effectivement, devant le petit serviteur chinois de Rodrigues ou la Négresse Jobarbara certains spectacteurs se tordent de rire. D’autres, en voyant, dans cette très sérieuse pièce de 1929, une dame remuer ses fesses nues rougissent et gonflent les rangs des joggeurs écoueurés par trop d’efforts. Le texte est pourtant, sur ce point, scrupuleusement suivi. La mise en scène reste finalement très traditionnelle, d’ une grandiloquence , à la hauteur des envolées lyriques du dramaturge : scène d’or, chapelles et taffetas rouge. Olivier Py connaît, pour l’avoir déjà chaussé en 2003, Le Soulier ; ses passages burlesques sont des respirations pour un public qui franchit la ligne d’arrivée réjouit par ce banquet des Arts (drame, clownerie, musique et peinture). A voir !


Le Soulier de satin, de Paul Claudel, mise en scène d’Olivier Py. Du 7 au 29 mars 2009. Première partie le mercredi à 18h30 ; deuxième partie le jeudi à 18h30 ; intégrale le samedi et le dimanche à 13h (durée : 11 heures avec trois entractes). A l’Odéon, Théâtre de l’Europe, 75006 Paris. Réservations au 01 44 85 40 40

Crédits photo : Alain Fonteray

Marie Barral

Paru dans la Boite à sorties le 9 mars 2009

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