dimanche 28 février 2010

La Face Nord Compagnie à la Fièvre

En général, quand les humoristes se mettent à la tragédie, ils révèlent un côté sombre, profond et réaliste, à l’étonnement de ceux qui pensent que les « comédiens de comédie » sont de mauvais acteurs. Le « Ciao Pantin » de Wallace Shawn s’appelle La fièvre. Acteur américain connu pour ses rôles comiques à la télévision ou au cinéma, aperçu notamment dans Desperate Housewives, Gossip Girl ou The L Word, Shawn se révèle un auteur de théâtre plus sombre et controversé.

Pièce d’abord créée dans les salons new-yorkais en 1991, La fièvre fut ensuite jouée à Manhattan et récompensée d’un Obie Award (prix du théâtre off de Brodway) en 1990 et 1991 en tant que meilleure pièce américaine. Enfin, elle a été adaptée au cinéma par Carlo Gabriel Nero en 2004. Ce brillant historique annonçait une adaptation française intense et bouleversante. Malheureusement, la Face Nord Compagnie n’a pas su porter ce texte à sa juste valeur.

Quelques années après Les petits enfants du siècle, morceau de bravoure dans une carrière abondante et éclectique, Jérôme Sauvion s’attaque à son second monologue avec La fièvre, un texte inédit en France et traduit pour l’occasion. Seul en scène, ce qui implique d’être rythmé, concentré, possédé et de maîtriser parfaitement son texte (pas seulement dans l’apprentissage mais également dans la compréhension). Jérôme Sauvion mène ici un exercice de maître, que peu de comédiens sont capables d’assumer, mais il lui manque du recul sur son texte et empêche le public de respirer avec lui.

Un homme se réveille dans une chambre d'hôtel d'un pays pauvre. Nous ne savons pas qui il est ni où il se trouve. Un condamné à mort doit être exécuté à cet instant précis quelque part dans ce pays, ou peut-être ailleurs… Jusqu'alors épargné par une vie facile, le voilà brutalement basculé dans l'horreur. L'homme voit sa fièvre monter alors que s'installe en lui, pour la première fois, l'évidence de la futilité de son existence.

Il se parle, il nous parle, entre bonne conscience, mauvaise foi, culpabilité et humanité. Le seul autre personnage sur lequel il peut s’appuyer est une cuvette de toilettes… mais Jérôme Sauvion a du mal à sortir du réalisme de ce texte contemporain, qui a de nombreux échos avec notre société :
"J’aime la chaleur, le douillet, le plaisir, l’amour, les lettres, les cadeaux, ces tableaux là de Matisse… Oui, je suis un esthète. J’aime la beauté. Les gens pauvres sont beaux. C’est un sentiment merveilleux que d’avoir de l’argent dans un pays où la plupart des gens sont pauvres."

Les transitions entre les anecdotes racontées par ce personnage, les réflexions socio-humanistes et les moments où il partage sa fièvre sont peu fluides et manquent de respiration… Les propos de Shawn s’en voient alors réduits à une réflexion pauvre d’occidental sur les relations entre pays du Nord et pays du Sud… Le public décroche alors que le texte est poignant et finalement profondément humain. Il y a tout de même du jeu et de l’intensité mais si Jérôme Sauvion et Nadine Emin-Madrid, la metteuse en scène, avaient pris davantage de recul et apporté plus de légèreté à cette pièce, le public du Théâtre des Marronniers aurait vraiment eu la fièvre…

Du 11 février au 1er mars 2010 au Théâtre des Marronniers de Lyon.

La fièvre est également montée à Paris, au Théâtre des Mathurins, par Lars Norén, avec Simona Maïcanescu en personnage principal introspectif…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

 
Paperblog : Les meilleurs actualités issues des blogs