samedi 4 décembre 2010

Jean Genet (des barreaux aux planches)

Le cycle que le théâtre de l’Odéon a consacré à Jean Genet à l’occasion du centenaire de sa naissance s’est clos sur une lecture de plusieurs textes (Le Funambule, Journal du voleur et Le Condamné à mort) par Christian Olivier accompagné de ses musiciens et interrompu par Les lettres au Petit Franz que Genet écrivait quand il était en prison à son ami François Sentein en 1943.

Parmi ces lettres, celle datée du 17 juillet 1943 lâche cette sentence : « tu ne me sembles pas devoir vivre d’autres dangers que les dangers de l’intelligence et ce sont, de loin, les plus terribles », autant de dangers qui n’échappent pas plus à l’esprit perçant de Genet que lui-même y échappe.

Le Funambule entame le spectacle, il y est question tout à la fois de la peur, de l’orgueil et de l’ambition qui habitent et doivent habiter un artiste. Jean Genet l’avait écrit pour un amour, le jeune acrobate Abdallah Bentaga : mélangeant le fil tendu du cirque et de l’écriture, la beauté du spectacle et la dureté d’être là : « Impolitesse du public : durant tes plus périlleux mouvements, il fermera les yeux. Il ferme les yeux quand pour l'éblouir tu frôles la mort... ». C’est cette dureté-là qui est constitutive de l’artiste, qui est à a fois son danger et son essence ; c’est sur ce fil qu’il existe : « Je ne serais pas surpris, quand tu marches par terre que tu tombes et te fasses une entorse. Le fil te portera mieux, plus sûrement qu'une route... »

Est-ce le temps qui fait à l’affaire ? Un siècle s’est écoulé depuis la naissance de Jean Genet : père inconnu, abandonné par sa mère, subjugué par le vol qu’il ne cessera de mythifier, puis la prison, la légion étrangère, des premiers écrits censurés pour pornographie, fasciné par la beauté du mal… L’aura-t-on résolu cette tension en ouvrant théâtres et publicité à celui qu’on avait mis auparavant en prison ? La reconnaissance est aujourd’hui évidente, comment en serait-ce autrement ? Mais on y perd, par là même, une violence originelle, une intransigeance qui fait dire à Genet : « Mon petit Franz ne commets jamais de geste sans beauté. On en souffre trop de vivre dans la laideur des gestes étriqués. » N’est-ce pas là le danger de résoudre cette tension, n’est-ce pas superbement l’ignorer et s’ignorer ?


"Le Condamné à mort et autres poèmes" Jean Genet, Gallimard, 5€, pour une lecture de ce texte par Mouloudji, cliquez ici.
"Journal du voleur , Suivi de Querelle de Brest et de Pompes funèbres" Jean Genet, Gallimard, 30€
"Le Funambule" Jean Genet, L'Arbalète, 12€
"Lettres eu petit Franz" Jean Genet, Le promeneur, 13€

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