Considéré pour beaucoup comme le père de l’art abstrait, Vassily Kandinsky (1866-1944) est l’inventeur de multiples mondes quand lui-même ne pouvait en habiter aucun. La rétrospective qui lui est consacrée dès mercredi au Centre Pompidou (jusqu’au 10 août 2009) sera elle aussi voyageuse, mais pour des raisons plus joyeuses. Une exposition aussi riche de couleurs qu’avare d’explication.
Organisée de manière chronologique, l’exposition tranche la biographie l’artiste en séquences géographiques : Paris, Munich, Moscou, Stockholm, Berlin, Paris et puis Neuilly. Kandinsky ne devint peintre que tardivement, après avoir été juriste et ethnologue.
En 1906, le vieil étudiant se rend à Paris pour découvrir « l’avant-garde ». En legs de ce premier séjour français, il laisse des toiles encore très russes, parmi lesquelles La Vie mélangée (1907) :
La vie mélangée, 1907, crédit photo : Adagp, Paris, 2009
En Allemagne, où il s’installe ensuite, sa peinture se déleste rapidement de ses éléments figuratifs. Devenue abstraite, elle emprunte à la musique ses catégories : les œuvres les plus spontanées sont des Improvisations, les plus travaillées des Compositions.
De 1914 à 1919, le sujet du tsar rentré en Russie doit à plusieurs reprises troquer ses huiles contre de l’aquarelle. De cette pénurie surgissent des utopies, autant de petits mondes imaginaires qui semblent être des illustrations des idées révolutionnaires. Sortie du papier, la Révolution (russe) chasse l’artiste de sa terre natale en lui spoliant ses biens. Un an après ce départ, la toute nouvelle URSS interdit un art abstrait qu’elle juge « dégénéré ». Le précurseur Kandinsky avait, malgré lui, devancé le régime.
Moskau I, 1916, crédit photo : Adagp, Paris, 2009
Loin du désordre russe, installé dans une Allemagne plus propice sur les plans politiques et artistiques, Kandinsky découvre les joies de la géométrie. Ses toiles perdent de leurs rondeurs tandis que lui, inspiré par les formes, élabore sa théorie des couleurs. Les toiles du Professeur explorent l’univers en tous sens : de l’infiniment grand (les planètes, les galaxies) à l’infiniment petit (animaux marins microscopiques et éléments anatomiques [Capricieuses formes]) ; modernes, elles font prévaloir les réseaux aux êtres, les liants aux éléments liées, le « co-» à l’entité.
Fulgurant sans être futuriste, leur auteur semble vouloir englober la totalité du réel. Dans sa course de vitesse, il est une fois de plus rattrapé par la politique, incarnée, dans l’Allemagne de 1933, par le nazisme. Mais sur la toile comme dans la vie, l’exilé a son réseau, il s’installe à Neuilly. Peu avant sa mort, il troquera sa deuxième nationalité, l’allemande, contre une troisième, française.
Mouvement I, 1935, crédit photo : Adagp, Paris, 2009
L’exposition, en nous livrant quelques détails croustillants du Kandinsky théoricien (quand et où ont été retrouvées les différentes archives, comment se traduisent les titres de ses ouvrages en 4 langues, etc), prend bien soin de ne pas s’engager sur le terrain des idées. Trop bête ou trop savant, le visiteur n’a droit qu’à l’expérience sensible provoquée par des toiles chatoyantes et bien mises en valeur. Il se plaira alors à détailler et à interpréter les mondes fourmillants du créateur…
Accord réciproque, 1942, crédit photo : Adagp, Paris, 2009
Kandinsky, au Centre Pompidou, du 8 avril - 10 août 2009, de 11h00 - 21h00 jusqu’à 23 h le jeudi, fermé le mardi, et le 1er mai, Tarif plein 12€ ou 10€ selon période / tarif réduit 9€ ou 8 € selon période
Valable le jour même pour une entrée dans tous les espaces d’exposition
Marie Barral
article publié dans La Boîte à sorties le 11 avril 2009
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