L'été, Paris, tranquille, donne l'occasion d'aller voir dans de petites salles les grands films loupés ces derniers mois. Chronique de Barbara, un film de Christian Petzold (sorti en mai 2012) sur l'Allemagne de l'Est au début des années 80 : la société de surveillance de la RDA, l'attrait de la liberté et de l'opulence qu'offre l'Ouest, les choix qu'il faut faire, entre les deux.
Ses velléités de fuir vers l'Ouest ont valu à Barbara, médecin de Berlin Est, plusieurs années de détention. À sa sortie de prison, pour prolonger la punition, elle est envoyée dans un petit hôpital de province. L'établissement est pauvre, l'attente du bus pour rentrer dans son déprimant appartement longue, et Barbara qui a perdu une partie de ses amis est isolée, quoiqu'étouffée par une surveillance rapprochée. Les contrôles policiers brutaux et réguliers conjuguent saccages de son logement et fouilles au corps, tandis que la protection amicale de son collègue André, un jeune médecin doué dont Barbara se demande ce qu'il fait dans un hôpital paumé, est si pressante, qu'elle semble être suivie de rapports à la clef pour les autorités...
Ce premier cercle de surveillance se nourrit d'un second, vicieux et efficace, composé de voisins scrupuleux... Indépendante et forte, Barbara réussit cependant à trouer par moment cette vaste toile d'araignée pour quelques étreintes passionnées avec son fringuant amant de l'Ouest. Des virées dont elle ramène bas, cigarettes et une atroce nostalgie de la liberté. L'attentionné André tente lui aussi de l'aider à s'échapper, pas géographiquement mais spirituellement, en lui rendant l'usage d'un piano ou en la passionnant pour ses cas médicaux...
Consumé par le quotidien, ou panser...
Consumé par le quotidien, ou panser...
On a tous en tête deux longs-métrages sur l'Europe de l'Est, Goodbye Lenine (Wolfgang Becker, 2003), comédie nostalgique, et La Vie des autres (Florian Henckel von Donnersmarck, 2006), drame saisissant. Barbara est moins enjoué que le premier, plus lent que le second. Le cinéaste Christian Petzold déroule son histoire sans se presser, distillant avec parcimonie les éléments de compréhension du récit. Il en ressort un film qui plonge dans la vraie vie, et non dans le roman, c'est à dire dans une atmosphère pesante dont on s'accoutume mais qui use, parce que le malheur y consume sans tuer, et que les victoires sont à l'image des effets de l'époque, modestes. Dans cet enfer sur terre, le choix de Barbara se fait entre l'ici et le maintenant, qu'elle connaît, et qui, si dur soit-il, recèle de vagues promesses, et l'Ouest sûrement brillant... mais qui déjà révèle ses défauts (comme celui d'un possessif mari)...
Ce qui pourrait être le troisième volet d'un cycle sur l'Allemagne de l'Est est donc comme le dépassement des deux seconds, un film moins drôle, moins cliché et moins haletant mais plus fin et plus humain, plus complexe en somme. Le vent est si fort au bord de cette mer Baltique qu'on n'ose y avancer trop sûrement une certitude ou un plan d'avenir : ils seraient vite balayés. Les médecins alors, sont comme les Dr Rieux de la Peste de Camus, ils n'ont qu'à panser, panser, panser... Cela, Christian Petzold le raconte par un beau film réfléchi, dont l'héroïne est incarnée par un visage absorbé, celui de la belle Nina Hoss.
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