Sélection du Grand prix des lectrices de ELLE 2012
Helene Cooper a été grand reporter, elle parcouru de la Chine à l’Irak. Journaliste reconnue, elle a travaillé pour le Wall Street Journal et le New York Times, elle est aujourd’hui correspondante à Washington pour ce dernier. Une vie riche en horizons pour mieux tourner le dos au pays où elle était née et avait vécu son enfance : le Libéria.
Quand Helene naît au Liberia dans les années 60, elle grandit dans un milieu extrêmement privilégié, celui des « Congos", esclaves affranchis et « fondateurs » du Libéria, représentant une très petite minorité de la population, ils détiendront toujours le pouvoir économique et politique, au mépris des « Indigènes ». La famille Cooper habite dans une grande maison et décide d’adopter Eunice, une « Indigène », comme une compagne pour leur fille naturelle, un duo de sœurs et d'amies, comme une personnification de la dualité de ce pays entre « Congos » et « Indigènes ».
Dans un style inégal qui tient davantage du témoignage que du récit, Helene Cooper nous raconte ainsi l’histoire de son pays, nouant la légende nationale à la généalogie de sa famille, sa fierté libérienne de petite fille à l’envie, déjà, d’aller étudier en Amérique. Cependant, ce sera contrainte et forcée qu’elle gagnera les Etats-Unis, pour fuir son pays qui, à partir de 1980, ne connaît que guerre civile et dictateurs, chacun s’efforçant à être plus sanguinaire que son prédécesseur sous prétexte de faire tomber la classe dominante.
Helene Cooper est privilégiée, certes, mais son existence n’en est pas moins marquée de drames. Cependant, des anecdotes, souvent drôles, nous retiennent toujours au bord d’un récit larmoyant. Ce qu’il y a là de plus touchant finalement, c’est ce lien avec Eunice, cette amitié dont on se rappelle l’intensité mais dont les années passées ont effacé la candeur. Abandonnée quand la famille Cooper part en Amérique, il n’était sûrement pas possible de penser trop à Eunice pour continuer de grandir, elle qui, pourtant, vivra les désordres du Libéria.
Davantage que la maison de son enfance, la sépulture de son père ou un reportage pour le Wall Street Journal, c’est Eunice qui fondera la visiste de Helene Cooper dans son pays : une « Congo » et une « Indigène », une réfugiée politique aux Etats-Unis et une femme vivant des dizaines d’années au cœur de la guerre civile, une journaliste et une vendeuse de savon sur le bord de la route… Ces vies étaient différentes dès l’origine. Si Eunice et Helene se rencontrèrent et se lièrent d’amitié quelques années, aujourd’hui, n’est-ce pas seulement de la culpabilité ?
"La maison de Sugar Beach" Helene Cooper, éditions ZOE, collection "écrits d'ailleurs"
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