Que tous les puissants aspirent à persévérer dans leur être, et que nous estimions naturel ce désir voire nécessaire, voilà ce que souligne notre pré-campagne présidentielle française. Dans le dernier film de Nanni Moretti, il s'agit exactement de l'inverse : personne ne veut être à la place du chef, parce que la charge est lourde, irréversible et crevante lorsque l'on est déjà un cardinal âgé et déraciné. Alors chacun la refusant sous des prières faussement modestes, la férule papale est laissée, dans le secret du vote et de la sainte prière.... à ce voisin qui semble plus humble, de meilleure composition, mais surtout trop respectueux et trop faible pour se rebiffer. Ainsi, sans pâtir de la lourdeur du pouvoir, chaque malin cardinal garde la jouissance de l'influence. Quel fidèle, quel journaliste saurait repérer cette malice doublement cachée par le secret des âmes et les portes fermées du conclave ? C'était sans compter, après ce coup d'état à l'envers, coup fourré collectif bien pervers, sur le fait que le nouvel élu conserverait, en dépit de sa dépression, une liberté, une lucidité et une énergie salvatrice qui l'aideront à fuir le Vatican. Dès lors, au-dessus de l'armée de fidèles anxieux postés sur la place Saint-Pierre, des médias pressants et pressés, deux mondes jouent au bras de fer : celui des cardinaux coincés sous la poussière de leurs mensonges et de leurs conventions, mais si conscients et si fiers de l'aura de leurs robes rouges qu'ils nient toute vérité qui tendraient à ébranler cette aura, au premier rang desquelles la psychanalyse ; et, vaquant dans les rues romaines, le monde intérieur d'un vieil homme rêveur et dépressif, qui sait tout Tchekov et ce qu'il est : un comédien raté, un prêtre paumé, mais sûrement pas ce pape dont le monde entier semble attendre l'arrivée : un pasteur énergique, capable tout à la fois de guider des millions d'âmes et des hommes d'église trop humains pour être des saints.
En parallèle du récit psychologique, c'est un tableau social que compose Nanni Moretti : celui d'un Vatican comme lieu de rixe entre cinq continents, régit par une élection démocratique dont on fait croire que l'issue est d'inspiration divine alors qu'elle met en exergue les vanités, les influences et les faiblesses des clercs comme des laïcs. Le rôle du psychanalyste que Nanni Moretti endosse pour ce film -celui de l'observateur fin, jouisseur et goguenard – semble être la métaphore de son statut de réalisateur, un juge libre d'esprit et attendri, créatif et énergique. Quant à Michel Piccoli il excelle en pape raté. Longue vie à eux !
Habems papam ou la vertu du doute : vie politique devrait en effet en prendre de la graine...
RépondreSupprimerMon humble avis: si le principe et la B.A. m'avait alléché, je me suis ennuyé pendant une bonne moitié (la 2e) du film. Déçu donc, par Moretti, mais pas par Piccoli.
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