Les rapprochements impromptus d’Elliott Erwitt
« Faire rire les gens est une des plus parfaites réussites que l’on puisse espérer », estime Elliott Erwitt. A la MEP où sont exposés ses clichés préférés -des photos qu’il a prises non comme reporter mais en amateur, au détour d’une rue européenne, dans un café américain, et tout au long de ses pérégrinations d’artiste malicieux- le visiteur conclut que le photographe a réussi. Les rapprochements dans un même cadre d’éléments sans rapports les uns les autres créent le décalage qui fera rire le visiteur : ainsi de cette flèche de circulation routière pointée tout droit vers le Mont Fuji, de ce flamand rose qui se balade derrière un robinet de plage et dont la silhouette, semblable à ce robinet, laisse à croire qu’il se prend pour l’objet, ou, au musée du Prado, cette Maja vestida scrutée par une femme tandis qu’à ses côtés, sa semblable desnuda est finement observée par une bande de visiteurs masculins. Cette photo pourrait être la mise en abyme du travail "erwittien" : le monde est un musée comique devant lequel le shakespearien rit des hommes, des chiens, des nudistes et au final de nous-mêmes, de nous lorsque nous nous oublions dans (et du fait de) notre sérieux.
Il est des Elliott Erwitt comme des photographes humanistes (l’homme a intégré l’agence Magnum en 1953) pour rétablir cette distance entre notre conscience et notre situation, pour remettre, si proche soit l’objectif du sujet, les choses dans leur contexte et nous faire rire des mauvais comédiens que nous sommes nous-mêmes.
Les couleurs de l'Afrique héroïque, par Philippe Bordas
Descente d’un étage à la MEP et de plusieurs latitudes sur la planète pour se retrouver en plein continent africain, chez les chasseurs maliens. Dès 2001, et pendant sept ans, le photographe français Philippe Bordas a suivi cette armée qui a gardé ses grigris et ses amulettes du XIIIe siècle, époque où elle défendait le Roi Soundjato Keita, dont le royaume s’étendait du Sahara à la forêt équatoriale, de l’Atlantique à la boucle du Niger. L’on voit bien sous les panchos et les amulettes, un jean, un sweet ou, au bout des doigts, une cigarette, mais les chasseurs ont gardé une prestance et un fierté toutes surannées qui les laissent graves devant l’objectif. Cependant, les images qui fixent ces attitudes ancestrales sont par leurs couleurs et justement par la concentration des acteurs, grouillantes de vie et de fraîcheur… Les rouges, les orangés, les marrons et les verts de Philippe Bordas sont aussi vifs que le feux ou les muscles qui les portent et rehaussés par le noir dans lequel sont plongés les salles de la MEP.
La Maison expose aussi, les premiers contacts du photographe avec l’Afrique, ses clichés de boxeurs kényans et de lutteurs sénégalais, et ceux résultant de sa rencontre en 1993 avec Frédéric Bruly Bouabré, poète fils d’une Afrique colonisée qui a inventé une écriture pour un continent toujours sous le joug des alphabets étrangers.
Le calme avant l’orage : les « Français » de Luc Choquer
Luc Choquer colore la cave avec ses photos orageuses. Depuis huit ans que l’artiste frappe aux portes des Français, et qu’il leur laisse le choix de la mise en scène, Luc Choquer s'est forgée une belle collection de portraits où l’on discerne, sous le sérieux et la froideur des poses, sous des cieux chargés d’une électricité orageuse, la diversité, l’originalité et l’humour de ceux que l’on appelle commodément « les Français ». Où, après le sérieux des chasseurs maliens, l’on revient à l’autodérision "erwittienne".
J'ai beaucoup aimé l'expo Erwitt aussi. J'adore cet humour grinçant qui se glisse dans ces clichés.
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