Sélection du Grand prix des lectrices de ELLE 2012
Il faut se souvenir de Simone de Beauvoir relatant dans La Force de l’âge son voyage touristique à Naples : « Chaque matin des wagonnets à crémaillère hissaient au sommet du Vésuve une cargaison d’Américains », déjà. Et la démocratisation du tourisme n’a plus jamais cessé, ainsi naquit le touriste moderne, qui pour quelques centaines d’euros passera 15 jours n’importe où sur la terre : dépaysé sans être trop dérangé. Julien Blanc-Gras qui ne se veut donc ni voyageur, ni baroudeur, ni globe-trotter nous rappelle cette aporie du voyage moderne : « C’est le paradoxe du touriste : le principal désagrément de sa démarche réside dans l’existence de ses semblables ».
Alors serait-ce par modestie qu’il ne se veut rien de plus qu’un touriste ? Pourtant, sa passion des cartes, sa détestation même bienveillante des touristes all inclusive et tout simplement son métier de journaliste nous en font sérieusement douter. Après un premier voyage inaugural en Angleterre au lendemain de sa majorité, Julien Blanc-Gras n’aura de cesse de voyager : « Il faut se rendre à l’évidence, je dois aller dans tous les pays du monde », cette obsession, c’est certain n’est pas celle d’un touriste. Il veut trouver sa « place dans le monde », un long programme qui ne sera jamais bouclé en 5 semaines annuelles de congés payés ! C’est la raison pour laquelle il finira par trouver dans le journalisme la profession idéale pour ne jamais cesser de le faire. Mais, s’il accompagne un photographe en Polynésie ou une expédition scientifique à Madagascar, ce serait se méprendre que de croire qu’il est un simple touriste.
S’il fallait encore des arguments à donner à ce « touriste pas comme les autres », on dira qu’il voyage seul, qu’il part à l’assaut des clichés sur la Colombie et du conflit israélo-palestinien, qu’il sait profiter d’une absence de programme pour lancer au hasard un caillou sur sa carte de Chine, laissant le hasard décidé de la prochaine destination. Puis, il y a ces questions propres aux touristes que l’on pourrait très sommairement résumer à la pauvreté. Faire le constat de l’impuissance de l’individu à changer quoi que ce soit aux inégalités et goûter amèrement au cynisme d’en profiter quand même. C’est sûrement dans ce constat en pointillé que Julien Blanc-Gras est davantage journaliste que touriste.
"Touriste" Julien Blanc-Gras, Au diable vauvert
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