Sélection du Grand prix des lectrices de ELLE 2012
Les pages du dernier roman de Nicolas Fargues disent l’insurmontable douleur d’un père face à la perte de son fils adolescent. Lui qui avait tout faitpour garder le petit garçon qu’il connaissait et nié l’adolescent verra son voeu malheureusement exaucé : Clément restera un enfant de douze ans, éternellement.
Et, puisque ce n’est pas le fils qui verra que son père avait raison quand il lui disait de remonter son jean et d’ôter les écouteurs de son iPod, c’est ce dernier qui apprendra ce qu’est une vie brute de douleur et d’une injustice que même les mots peinent à dire. C’est d’ailleurs ce qu’un autre écrivain publié chez POL relevait dans son dernier roman récompensé : si le dur mot d’orphelin existe, il n’y en a point pour désigner ces parents qui perdent un enfant. Une douleur indicible à laquelle s’attaque pourtant Nicolas Fargues.
Alors, pour décrire cette vie vidée d’un sens qui était avant évident, l’auteur suit ce père, sa désolation, ses brusques montées de chagrin et ses souvenirs déclenchés par la moindre canette de Coca traînant sur la banquette d’une voiture. Il aura donc fallu ce drame pour que le narrateur sache quel père il était, quelles erreurs commises, quelles colères injustifiées et comment il apprit à aimer son fils. Et ce cruel aveu : « Aimer son enfant, est-ce en aimer un autre que soi ou bien continuer de s’aimer soi-même, mais sans s’accabler de la mauvaise conscience d’être égoïste ? » . Si cela est vrai, on comprend mieux l’agacement, au bas mot, du parent devant son enfant adolescent, quand il devient un autre que lui, maintenant inaccessible.
Enfin, il y a, délicatement évoquée, la possibilité d’un autre désir souffle dans cette vie dévastée par la disparition d’un être cher. Et cette très belle fin qui parle du désir et dit encore tout l’empêchement d’être heureux : « une page blanche mais rétive à toute inscription ».
"Tu verras" Nicolas Fargues, POL
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire