Le premier roman de Thomas Vinau est délicatement divisé en deux parties : le dehors du dedans et le dedans du dehors.
D’abord, c’est un voyage ou peut-être même une errance : un garçon qu’on imagine rêveur et discret, de cette discrétion qui n’efface pas mais acère encore notre envie de le suivre, forcément quelque part. Il est parti parce qu’il aimait, Cendrars justifie ses pas en exergue du récit. Le départ sonne la nécessité, logée au fond de son cœur, de s’éloigner. Alors qu’il se dirige vers le sud, il recueille et aide un oiseau blessé à migrer. Puis, c’est au hasard d’une rencontre qu’il apprend que cette espèce-là ne part pas vers le sud quand viennent les jours plus froids. S’il en était ainsi de tout un chacun : capable d’endurer mais préférant aussi aller où l’on ne devrait pas être ?
Dans cette première partie, il y a bien sûr le voyage, mais il ne faut pas omettre l’amour et de si belles phrases : « Je vais bien. Dis-moi que toi aussi ». Il y aussi cette obsession des chambres d’hôtel où des personnalités sont passées, ont dormi ou sont mortes comme si encore une fois on nous signifiait que nous n’étions que de passage. Mais ce serait alors réduire bien vite la poésie, le tact et la légèreté avec laquelle l’auteur amène cela ; on ferait l’impasse sur les doux méandres de la pensée et l’on gâterait finalement la fragilité de la littérature.
Puis, vient une deuxième partie, le dehors du dedans, différente mais dont on sait qu’elle n’existe que comme la suite du voyage initial. Là, le garçon devenu jeune père raconte les journées avec son fils et sa femme, il nous raconte cette vie simple et lente « à hauteur d’homme » et l’on comprend que, déjà, l’ambition est noble. Le dedans de cette deuxième partie, c’est le foyer, sa chaleur et le dehors c’est l’autre, l’enfant, la chair de sa chair qui oblige à « être là, tout de suite, dans le monde ». Mais le voyage ne résout pas les questionnements, bien heureusement, peut-être les apaise-t-il un peu seulement : « Je crois que nous ne sommes pas faits pour vivre comme nous vivons. Je ne suis même pas sûr que nous soyons faits pour vivre tout court. Mais l’écriture, c’est comme l’amour, ça nous donne une prise valable sur tout ça. A condition de le faire honnêtement. »
Finalement, « Nos cheveux ... », est un livre dont on ose à peine parler de peur de travestir les gestes et les pensées de l’auteur. « Un livre, c’est quelque chose qu’on te donne » : il faudrait en faire autant avec celui-ci, sans rien ajouter.
"Nos cheveux blanchiront avec nos yeux" de Thomas Vinau, éditions Alma
Vous parlez du dedans, du dehors... Voici un précédent texte (court) de Thomas Vianu : Le noir dedans.
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