Considérons-nous comme des passants, la vie serait notre rue, et en tant que passants, rien ne nous serait dû, de personne nous ne serions les obligés. Ainsi s’exprime en tous cas G.-O. Châteaureynaud, passant que la vie, de son réduit haut perché de la rue Boutard, des grilles des lycées qu'il n'a pas assez fréquentés ou des bords spumeux d'une mer caressant la pointe bretonne, suit. L'ayant regardé, lui et ses aïeux, elle peut nous en livrer le récit : un père revenu de camps qui embarqua la jeune Monette de Paris à Oran, une femme élevant seule son enfant dans la France de la crise du logement, des asphyxie au CO2, des Trente Glorieuses...
Peu à peu, au cours de cette biographie difficilement amorcée, suivie et subie, monte, plus haute et plus claire, au-dessus de celle d'un père égoïste, de copains poètes et d'un Michaux tant admiré, une voix, celle du passant justement, qui trace sa voie, originale et sienne : d'orphelin, il deviendra chenapan, de cancre, dévoreur de bouquins et écrivain, de fils à sa maman un petit-fils reconnaissant. Cette élévation sera aidée par quelques coups de pouce – une invitation à la lecture, un foyer chez des grands-parents, l'amour maternel-, permises par de salvatrices dialectiques.
Ce roman d'apprentissage, le nouvelliste G.-O Châteaureynaud l'écrit sans complaisance, démontrant que même si, parfois, la vie qui nous observe du fond du gouffre donne le vertige, les situations ne décident pas du sort de l'homme, à qui il revient d'ouvrir grands les fenêtres d'opportunités. Roman sartrien, La vie nous regarde passer est donc le récit de deux victoires, celle de Monette et celle de G.Olivier, lequel, par son rôle d'écrivain, avec la précision de sa plume et la richesse de son vocabulaire, fixe la mémoire des passants que la vie ne faisait que regarder et, ce faisant, les sort du gouffre dans lequel ils étaient happés.
La vie nous regarde passer, Georges-Olivier Châteaureynaud, éditions Grasset, 235 p. 18 euros.
« La fenêtre de notre chambre au 8e donnait sur un balcon de béton accroché au-dessus du puits noirâtre d'une cour encaissée, où l'on rangeait les poubelles. On n'accédait pas à ce balcon par une porte. C'était, en soi, assez étrange. L'architecte n'avait pas prévu. Il fallait escalader la fenêtre et sauter. […] J'en fis mon terrain de jeu aérien, souvent nauséabond tout de même, car des odeurs remontaient des profondeurs de l'immeuble par l'orifice d'une espèce de gouttière qu'obturait mal un gros bouchon de liège fissuré. » p. 45
« Il me fallait à présent me débarrasser de Michaux et de Borgès. Encombrant, Michaux ! Collant. On n'imagine pas comme il est difficile, si l'on s'en est barbouillé, de s'affranchir de sa rhétorique décontractée et de ses effets de profondeur bonne franquette. » p. 209
Pour en savoir plus sur G.-O. Châeaureynaud, lire Palaiseau Mag (journal de la Ville de Palaiseau) n°151.
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