jeudi 28 juillet 2011

Lavita, que bella !


Et si la vie ne durait qu'une heure ?
Lavita conte l'histoire d'un couple pas tout à fait comme les autres, sur un air de boîte à musique.


Curieux mélange de pantomime et de théâtre dansé, entre poésie burlesque et langage des images, Lavita est un spectacle entièrement muet, qui raconte avec simplicité les épisodes de la vie d'un couple décalé.
Lui, en marinière. Elle, avec des tresses et un chapeau coloré. Lui, stressé et plein de tics. Elle, souriante et perchée. Eux, amoureux et complémentaires.

Deux poupons nous accueillent dans cette bulle de contes et de douceur. De la naissance à la mort, ces deux personnages nous racontent l'histoire de leur vie. Simple mais universel. D'autant qu'il n'y a pas de mot. Seul le langage du corps compte : mimes, expressions du visage, danse... et la musique rythme ses moments de vie, sur le tempo des aiguilles de l'horloge accrochée en fond de scène.
Et à chaque minute du spectacle, ils réveillent en nous des souvenirs tendres et une émotion enfantine. Des premiers émois aux moments brisés de l'existence, ils font écho à nos vies, tout en nous emmenant dans un univers décalé, drôle, poétique, et parfois tragique.



Le duo fonctionne à merveille, les personnages ont l'air dessinés sur mesure et nous laissent une place dans leur univers. La volonté de partage paraît être la base de cette création singulière et rafraichissante. La sincérité et le plaisir des comédiens se répandent dans la salle, magnétisée par la poésie de ce qui se joue sur scène.

Finalement, la vie ne pourrait durer qu'une heure si elle était aussi dense en émotions et en magie... 



Avec : Nadège BILLIEMAZ , Marc MARTORELL
Ecrite et mise en scène par Marc MARTORELL
Direction artistique : Richard NAVARRO
Création lumière : Mathieu CORNU
Au Théâtre des Lucioles, Avignon, juillet 2011.

Des images et les dates sur le site de la compagnie Tournerêves : www.tournereves.com

mardi 26 juillet 2011

Nicolas et Jacques Bonneau : conteur et tueur


Fait(s) divers. À la recherche de Jacques B : un spectacle de Nicolas Bonneau, vu au festival d'Avignon à la Manufacture. Un bijou du "off".

Jacques Bonneau, « l’ogre de Picardie » a, dans les années 80-90, tué sept femmes... sept victimes étranglées dont les seins (un par femme) étaient conservés dans du formol.

Nicolas Bonneau n’a pas grand-chose à voir avec Jacques : il n’est ni médecin, ni tueur en série, pas picard non plus, quoique parfois surgelé. Il est conteur, auteur et comédien. C’est un soir, en regardant la télé, un « faites entrer l’accusé » consacré à la Picardie, qu’il a découvert ce Bonneau, nom prononcé par une femme qui lui avait réchappé. Le lendemain, le téléspectateur a eu une idée : faire un spectacle où Bonneau enquêterait sur Bonneau. «Ce serait marrant » se disait le comédien, léger.

Marrant de suivre les traces d’un tueur en série, de se poser aux bars de vieux cafés picards, d’essayer de comprendre ce qu’il ressentait dans les villages dévastés des alentours de Beauvais, face à ses patientes, en rentrant chez lui le soir auprès de sa femme et ses enfants, ou lorsqu’il marquait soigneusement d’un coup de feutre le sein de sa victime, avant de le découper… Ce serait marrant aussi de se jouer, soi, comédien, en train d’enquêter, d’alterner sur le plateau les deux Bonneau, et d’imaginer que Bonneau, l’autre, pourrait, lorsqu’il aurait expié sa peine, se trouver là, dans le public, à se regarder au travers des yeux du comédien.

Ce serait marrant, et troublant… Une superbe performance d’acteur en tous cas, un incroyable talent de conteur et quelques questions : sur la banalité du mal, le fait qui fait « diversion », sur le rôle de l’art : peut-on ainsi faire de la vie d’un meurtrier un spectacle grinçant certes, mais comique avant tout, alors que l’homme est peut être encore enfermé ? Est-ce une double peine ? Ou un hommage qui lui serait rendu pour la matière qu’il aurait mis à disposition d’un comédien désireux de remplir une salle et d’un public voyeuriste ? Cela devient en tous cas un conte rondement et finement mené, un plaisir de spectateur, et sûrement d’acteur. À voir !

Danses libres, ou la diagonale à poil



Cher Monsieur Chaignaud,

J'ai déjà eu l'honneur de vous rencontrer à deux reprises : une fois aux Subsistances, à Lyon, en tête-à-tête, pour Aussi bien que ton coeur, ouvre moi tes genoux, et une deuxième fois au Festival d'Avignon, de manière plus... collective et partagée, dans le spectacle de Boris Charmatz Flip Book. Je vous ai rencontré par procuration, je dois l'avouer, mais non sans un plaisir singulier et juvénile.
Vous aviez, depuis, une place particulière sur la liste des artistes dont je suis tombée amoureuse après les avoir admirés sur scène.

J'utilise le passé car samedi dernier vous m'avez déçue.
Réjouie de ce troisième rendez-vous, j'avais misé sur vous tout mes espoirs d'amatrice et curieuse de danse et de nouveautés spectaculaires, et vous faisais une confiance aveugle.
Malheureusement, pas de frisson en ce frais samedi de juillet. Serait-ce déjà fini entre nous ?
Peut-être suis-je exigeante, mais je pars généralement du principe qu'un spectacle, quel qu'il soit, doit me parler, m'apporter quelque chose, me raconter une (des) histoire(s), me procurer des émotions, m'interroger...
Mais Danses libres ne m'a pas atteinte. Pas une seule seconde. Même votre présence ne m'a pas réconfortée. Au contraire.
L'incompréhension a empêché tout laisser-aller dans mon expérience de spectatrice. Comment s'emparer d'une esthétique, d'un enseignement, aussi simples soient-ils, sans explication claire ? Comment donner à voir une technique sans la partager, sans permettre à l'autre de l'expérimenter ?
A vivre, la méthode de Malkovsky doit être enrichissante et libératrice, à regarder, elle est lointaine et égocentrique.
Le public ne peut rien deviner de votre démarche et des raisons de vos choix artistiques.
Où sont votre rigueur, votre technique, votre générosité ?

30 titres, 30 tableaux, 30 clichés, 30 fois les mêmes mouvements.
Répétitions sans émotion, exercices sans style, spectacle sans public.

Peut-être vous laisserai-je à nouveau votre chance, après avoir digéré cette déception... mais cette fois les mots doux ne suffiront pas.


Danses Libres, au Festival d'Avignon 2011.
conception Cecilia Bengolea, François Chaignaud
chorégraphie François Malkovsky (1889-1982) transmission de la chorégraphie Suzanne Bodak lumière Erik Houllier
avec Cecilia Bengolea, Suzanne Bodak, François Chaignaud, Thiago Granato, Lenio Kaklea, Mickaël Phelippeau et au piano Alexandre Bodak

mardi 12 juillet 2011

Pater ou les mises en scène du pouvoir

Pater est l’histoire d’un cinéaste qui, ayant trouvé son fils, Vincent Lindon, lui propose de jouer un jeu où, forcément, il est question de pouvoir. Et, s’il faut choisir un rôle, pourquoi ne pas élire la fonction suprême ? « Tout est possible », Cavalier le dit dans la note d’intention du film qui prend la forme de 10 commandements. Il choisit alors le jeu le plus violent symboliquement : il sera Président de la République et son acteur Premier ministre.

Le spectateur, excité par une telle perspective (va-t-on voir des acteurs, des enfants, des hommes politiques ou tout cela à la fois ?), passe bien vite sur ce titre : Pater. Pourtant, il est question de ce pouvoir-là aussi, celui du père, le premier que tout un chacun éprouve. Cette relation au père est le fondement du film, sa motivation, elle est la première cité dans les 10 commandements du film : « Je le regarde exercer son pouvoir/ Sur sa femme, sur mon frère et moi », et, plus loin : « Mon père meurt/ Sans une vraie réconciliation entre nous deux (…) J’ai respecté son courage d’aveugle, de paralysé (…) Ai-je comprimé tout ce qu’il a déposé en moi / A cause du jugement que je portais sur lui ».

Fort d’avoir tué le père ou, à défaut, d’avoir pris sa place, l’homme a ensuite nécessité à trouver la sienne dans la société. La fonction suprême est le meilleur rôle qui soit, un fantasme du cinéma car il à la fois la réalité et la mise en scène, il est le combat entre l’un et l’autre. Et Vincent Lindon de conclure quand son réalisateur lui dit que de toute façon ce n’est qu’un film : « Si c’est un film, c’est la réalité ». Oui, cinéaste et acteur se prennent à leur propre jeu jusqu’à ne plus savoir de quoi il est question, quel rôle est le plus signifiant. A partir de cette géniale idée, Cavalier décline un discours pertinent sur la politique, les hommes qui l’habitent et d’audacieuses analyses sur des situations délicates.

C’est aussi parce que le jeu ne peut se dispenser de la mise en scène, que le costume, la cravate, le double menton sont des sujets ; c’est aussi parce que le jeu, du cinéma et de la politique, est celui de la parole qu’il faut se battre pour un mot de trop ; mais c’est surtout parce que ce ne sont que des hommes qui édictent ses règles, que le jeu est cruel. Mais s’il est de tels films pour que la catharsis soit à l’œuvre, alea jacta est.
 
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